L’affrontement des armées criminelles, une lutte interfamiliale ?
Par Léo Joseph
La guerre entre les gangs, dont le dernier épisode a éclaté le 1er juin, sans aucun signe de répit, durant six jours, en dépit de la démagogie affichée par le Premier ministre intérimaire de facto Claude Joseph faisant une promenade à pied, dans le quartier attaqué, en compagnie du directeur général de la Police, a toutes les chances de s’étendre à d’autres juridictions. Et de fait, on a vu les « soldats » du « G-9 fédéré en famille et alliés », la fédération de tous les gangs armés de la République regroupés sous l’autorité de Jimmy Chérizier, dit Barbecue, lancer l’offensive contre plusieurs installations de la Police nationale en même temps. Les alfrats ont mis en fuite le personnel affecté à celles-ci, tandis qu’ils ont tué un haut gradé de la PNH et rièvement blessé un policier, en sus d’emporter armes, munitions et appareils de communications trouvés sur les lieux. Voilà un bilan provisoire des pertes subies par les forces de l’ordre.
En effet, après l’affrontement des barons criminels armés de Grand Ravin et de Ti-Bwa ayant
fait plus de 8 morts, une trentaine de blessés, plus d’une centaine de maisons incendiées ou pillées, en sus de provoquer la fuite vers la zone de Carrefour de plusieurs dizaines de familles, une action concertée des gangs d’autres juridictions, notamment de Cité So – leil et ses environs, s’est portée contre plusieurs sous-commissariats dépendant de cette commune, le plus grand bidonville d’Haïti. Après la débâcle que les
policiers ont essuyée, lors d’une descente ayant mal tourné, à Village de Dieu, bidonville situé à l’entrée sud de la capitale, le 12 mars de cette année, l’humiliation qu’a connue le personnel de ces sous-commissariats, de Ca – zeau, de Duvivier, de Drouillard, de Sierra 2 et de la Station de Gonaïves a un effet démoralisant sur toute l’institution policière. Un rapport initial et provisoire dressé par le chef de la juridiction de Cité Soleil, adressé à la Di – rection générale, expose la gravité de la situation
Il est expliqué dans ce rapport que, « dans la soirée du samedi 5 juin 2021 aux environs de 9 heures, des hommes lourdement armés ont fait irruption simultanément dans toutes les bases de Police suscitées. Ils ont désarmé tous les policiers, tiré à la Station des Gonaïves au niveau de la hanche le policier Fedlin Luc, tué le responsable de Drouillard, l’inspecteur divisionnaire Myra – del Adoolphe et emporté toutes les armes et radios de communications qui s’y trouvaient ».
Plus loin, le document fait état des pertes en équipements en registrées dans ces installations. Aussi, faut-il citer : «Qua – tre fusil 12 et deux Galils à l’antenne de la Station des Gonaïves; Un T65 et un Galil à Soleil 2; Six Douze à Duvivier; un Galil et trois fusils 12 à Drouillard ».
Guerre entre Michel Martelly et Jovenel Moïse
Selon les précisions fournies par M. Cheramy, l’arrestation récente de Woodley Éthéard (dit Sonson Lafamilia), dans le village de Punta Cana, en République dominicaine, par la Police de ce pays, qui l’a expulsé vers Haïti, après les suites légales, car un mandat d’amener contre lui avait été émis par le Tribunal de cassation d’Haïti, depuis plus d’une année, n’a pas plu à l’ex-président-musicien, communément appelé « Bandit légal ».
L’enfer s’est déchaîné, l’étranglement de Portau-Prince…
Ancien soldat du défunt chef de gang Arnel Joseph, dont il fut, dit-on, le beau-frère, mais qui a été tué, par des policiers, le 26 février de cette année, suite à l’évasion de la prison de Croix des Bouquets, Ti-Makak s’est taillé une place de choix dans le monde des gangs armés. Dans les milieux proches de la famille d’Arnel Joseph, on laisse croire qu’il serait le gérant des propriétés du défunt.
Il faut souligner aussi que si Toto Borlette dispose de son pro – pre gang armé, histoire de protéger son territoire, les hom mes de Ti-Makak ne baissent point pa – vil lon devant eux. Aussi, de temps à autre, se produit-il des af – frontements entre ces derniers et.
Ti-Makak et ses « soldats » ses opèrent dans les hauteurs de Pétion-Ville, depuis déjà quelque temps. De toute évidence, en tant que chef de gang armé, il représente un autre bras criminel du Palais national. Car lui et ses hommes se spécialisent dans ce que les gangsters font le mieux : voler, kidnapper et rançonner qui ils veulent quand ils veulent, sans jamais être inquiétés par les autorités. Depuis des semaines, les opérations criminelles de TiMakak privilégient les quartiers de Thara, de Grenier, de Désiré et de Fessard, dont ils rançonnent les résidents.
Il faut souligner aussi que si Toto Borlette dispose de son pro – pre gang armé, histoire de protéger son territoire, les hom mes de Ti-Makak ne baissent point pa – vil lon devant eux. Aussi, de temps à autre, se produit-il des af – frontements entre ces derniers et des proches de l’homme borlette. De ce fait, la situation sécuritaire de cette zone s’est systématiquement dégradée depuis l’assassinat de Rodney (ainsi connu), qui assurait la protection des biens de Jean-Mau Santo Petit. Selon toute vraisemblance, il existe une relation certaine entre la mort de Rodney et l’invasion de Laboule 12
Car, comme dans toutes les zones contrôlées par les gangs, la sécurité des habitants est érieusement affectée. Les bandits imposent leur loi, dans l’impunité totale. Si inquiétante qu’est devenue la situation que l’Église Notre Dame des Douleurs sollicite une intervention immédiate des forces de l’ordre, avant que les malfrats ne s’installent pour de bon. L’organe de presse en ligne TripFoumi Enfo a signalé une intervention de la Police à Laboule 12, qui s’était soldée par les policiers battant en retraite, car essuyant des feux d’armes meurtrières des bandits.
Les forces de l’ordre avaient tenté de mener une opération au niveau de Laboule 12, afin de déloger ces présumés bandits. Mais, les hommes de TiMakak avaient riposté avec des armes de gros calibres. Ce qui avait contraint des agents de la Police Nationale d’Haïti (PNH) à faire marche arrière
Il faut conclure que la situation constatée présentement à Thara, Grenier, Désiré et Fessard n’est pas différente de celle qu’avaient connue les quartiers désormais appelés « zone de non droit ». Les criminels commençaient à s’installer timidement, prétextant posséder des armes défensives, dans l’unique but d’assurer la protection de leurs communautés. Mais leur rôle a changé, au fur et à mesure qu’ils prenaient du poil de la bête. Et que les hommes au pouvoir les prennent pour des alliés, dans le cadre de leur utilisation, à des fins politiques, pour se maintenir au pouvoir
Cet usage des gangs armés a débuté avec Michel Martelly, digne héritier du duvaliérisme, s’érigeant en émule de Papa Doc pour se perpétuer au pouvoir. N’ayant pas eu le temps de transformer ces gangs armés en sa milice personnelle, il a mis en place des infrastructures permettant de concrétiser ses ambitions, par le truchement de Jovenel Moïse. Voilà pourquoi ce dernier ambitionne de rester au pouvoir pour un demi-siècle, comme l’avait déjà déclaré l’ex-Premier ministre Jack Guy Lafontant.
Quand les gangs armés décident de dominer la Police
En pratique, cette dernière attaque lancée contre les installations policières, dans la juridiction de Cité Soleil, constitue une simple manœuvre militaire, histoire de s’entraîner, en vue de l’attaque proprement dite. Il faut préciser que les bandits ont un grand avantage sur les forces de l’ordre, qui ont été mises en déroute, à l’occasion de chaque affrontement, dont le plus destructif est celui du 12 mars, lors de l’opération menée par la PNH, à Village de Dieu, contre les bandits, opération qui s’est révélée le tombeau d’au moins six policiers, la force d’invasion ayant été totalement détruite. Tout cela met la Police en situation d’infériorité, par rapport aux gangs armés. On comprend pourquoi les policiers sont pris de panique et partent avec leurs queues entre leurs pattes, toutes les fois que des bandits font irruption dans leurs espaces.
De toute évidence, les bandits n’ont pas encore l’ambition de changer de stratégie. Toutefois, il ne faut pas écarter la possibilité qu’il arrivera un moment où ils ambitionnent de jouir des privilèges accordés aux « chefs », surtout que, armés comme ils sont, personne ne peut les empêcher d’avoir accès à ce qu’ils désirent, ou de s’en emparer tout bonnement. Mais, d’ores et déjà, les gangs armés détiennent de grands pouvoirs, y compris celui de déterminer où les dirigeants du pays peuvent se promener.
En effet, bien que le Premier ministre de facto, Claude Joseph, ait annoncé avoir effectué une promenade à pied, à Martissant, en compagnie du directeur général de la PNH, afin d’y rétablir la paix et la circulation de véhicules, il a dû payer un prix pour ce privilège. Selon le protocole établi avec les malfrats, par rapport à cette balade, Claude Joseph et les hommes qui l’accompagnaient ne pouvaient se promener que durant deux heures, en retour de 10 millions de gourdes versées à la caisse.
Il y a fort à parier que les gangs armés ne sont pas au bout de leurs ambitions. Autant dire, ils ne vont pas limiter leurs guerres seulement en conflits entre criminels. Dans la mesure où leurs attaques contre les commissariats leur permettent de récupérer facilement des armes et des munitions, pourquoi arrêteraient-ils de telles opérations ?